Rentrée Littéraire.
Amélie Nothomb. Ni d’Eve ni d’Adam.
Editions Albin Michel.
Dédicace et rencontre.
Virgin Megastore des
Champs-Elysées. Paris. 8e.
Mercredi 22 Août 2007.
Chaque
année, Amélie Nothomb ouvre le grand défilé de la rentrée littéraire. A compter
de ce jour et dans un laps de deux mois, 727 romans – dont 493 français - vont
envahir les étals des librairies. Dès la parution de son roman, l’écrivain
belge prend place dans l’arène du Virgin Mégastore des Champs Elysées. Un
rituel bien huilé qu’aucun fan qui se respecte ne rate. Cette année encore,
elle était au rendez-vous, coupe de champagne en main, of course ! Cela
dit, elle était loin d’être seule !
Une
séance de dédicaces d’Amélie Nothomb évoque une chanson. La Mamma de
Charles Aznavour. Avec cette mythique
intro « Ils sont venus. Ils sont tous là. Dès qu’ils ont entendu son
cri. » … En remplaçant cri par rire… Le communicatif et franc rire de
l’écrivain est souvent comparé à celui du commentateur sportif Thierry Roland. Le
rapprochement s’arrête là. La romancière n’ayant rien en commun avec une mamma
italienne ! Ses fans, en revanche, ont tout de la groupie,avec heureusement, différents degrés.
Les
plus acharnés patientent dès le matin pour … Bonne question ?! La file
d’attente ne se mettant en place qu'aux alentours de 15h alors que leur égérie n’entre en
scène qu’à 18h. A l’arrivée de la super star du cahier de brouillon et du stylo
bille environ 400 personnes s’agglutinent dans les moindres recoins du
supermarché de la culture. Si les demoiselles sont en nombre, les hommes ne
sont pas en reste et les âges varient grandement. Dans cette foule, des
amoureux des mots, des lecteurs de la première heure, certains osent une
critique ou déprécier tel ou tel roman, d’autres disent amen à toutes les
parutions, des pré adolescents bruyants ou tirés à quatre épingles, des
retraités, des travailleurs RTTistes pour l’occasion, des banlieusards pestant
contre le RER en retard qui leur a fait perdre dix places, des doublures -
vestimentairement parlant-, des curieux qui passaient par là, des mères de
famille, appareil photo en main et les éternels habitués présent à chaque
dédicace du début à la fin. Attention, si le rideau noir estampillé Virgin
bouge encore alors que les dédidaces ont pris fin, c’est qu’Amélie Nothomb est
peut-être encore là. Vous êtes sûrs alors, de les voir se tordre le cou pour
tenter de vérifier cette information intuitive. Ne sait-on jamais… Cette année, nul lecteur offensé par les écrits d'Amélie
Nothomb ne semble avoir pris place dans les rangs de cette masse
impatiente. Peut-être dans la boîte aux lettres d'Albin Michel, comme cela arrive parfois...
Parmi la
foule quelques spécimens se détachent. Visage peint en blanc. Tenue
intégralement noire. Eye-liner débordant et lèvres agrandies à coup de pinceau
écarlates. Couettes éparses. Mitaines rayées rouge et noir, semblables à celles
d’Amélie Nothomb sur la couverture du roman, signée par le photographe
Jean-Baptiste Mondino. Et autres chapeaux et vêtements aux accents gothiques. Evidemment,
quand les caméras « Des livres de la 8 » (l’émission littéraire de Direct
8 animée par François Busnel, également directeur de la rédaction du magazine Lire)
et de Campus (le programme littéraire présenté par Guillaume Durant sur France2)
filment ils sont les premiers à être interviewés. Mais la tenue n’influence pas
le discours. Tous aiment. Non, pardon, adorent ! Stupeur et
Tremblements (roman publié en 1999, récompensé du Grand Prix du roman de
l’Académie Française la même année) rafle la première place de leur top.
Suivent, tous chez Albin Michel, Métaphysique des tubes (2000), Hygiène
de l’assassin (1992, premier roman d’Amélie Nothomb, Prix René Fallet). A noter
tout de même que les romans fortement autobiographiques, comme Biographie de la
Faim (2004) sont les plus cités et les plus sollicités. (Amélie Nothomb choisit
volontairement de sous-titrer ses œuvres « roman » et non
« autobiographie ». En bonne philologue, elle connaît l'étymologie et les multiples sens d'un nom commun. Elle regroupe sous ce terme
toutes les acceptions du ce mot. Soit, un sens très large, un brin fourre-tout.
) Quant à expliquer ce qui leur plaît dans l’écriture d’Amélie Nothomb, les admirateurs
adoptent le plus souvent la position de la carpe - animal honni de
l’auteur - bouche ouverte sur un long « euh ? ». Exercice certes
délicat que d’identifier ce qui séduit chez un auteur. Et les caméras
n’arrangent rien. Incontestablement, ils finissent par s’accorder sur quelques
points. Elle a un style bien à elle, ses histoires les happent et les
surprennent, les sujets sont originaux et le tout est très accessible.
Durant
les heures d’attente, certains lisent Ni d’Eve ni d’Adam. D’autres
préfèrent se réserver un coin de silence et le plaisir d’interrompre leur
lecture pour alimenter leur plaisir avec chaque jour quelques chapitres.
Certes, les romans de l’écrivain belge ne sont pas les monuments de 900 pages
de Jonathan Littell (Les bienveillantes, 2006, prix Goncourt, Grand Prix du roman de l'Académie Française). La parcimonie est de rigueur pour que dure le
bonheur de plonger dans l’univers d’Amélie Nothomb ! Ceux qui étaient à
l’ouverture d’une quelconque librairie tôt le matin même, se targuent de
l’avoir terminé dans les transports et s’étendent abondamment sur les passages
croustillants ou émouvants, en livrant le meilleur à leurs voisins ébahis ou
envieux. Plus tard, se sont eux, éclairés par leur lecture préalable, qui
opinent du chef pour accompagner la lecture à voix haute de l’intervieweur,
pour confirmer ou infirmer ses commentaires. Tous cela se passe dans un joyeux
chaos… Mais quand Amélie Nothomb – sans chapeau au grand regret de ceux qui la
réduisent à cela - escalade enfin l’estrade du Virgin, tous se taisent et
boivent avec ferveur ses paroles comme elle son champagne, arrosé cette année par la
condensation. A la vôtre !
Depuis
ce matin, sont en ligne sur les blogs des groupies photos, vidéos et
commentaires sur cette rencontre. Les plus impudiques livrent jusqu’aux mots
échangés avec celle qu’il idolâtres. Etrange ?! Qu'ils gardent religieusement pour eux ces quelques minutes auraient été moins surprenant.
Nul
doute que tous les lecteurs d’Amélie Nothomb seront ravis cette année encore
avec Ni d’Eve ni d’Adam. Elle remonte le temps jusqu’à l’époque de Stupeur
et tremblements, pour livrer une autre facette de cette période et
de sa personnalité. A l’honneur, des histoires de cœur. Coeur tiède pour Rinri,
un jeune tokyoïte avec lequel elle vit une brève aventure. Cœur brûlant pour le
Japon et son emblématique Mont Fuji.
Ses
admirateurs tenteront certainement d’analyser la femme Amélie Nothomb, et non
seulement l’écrivain. La qualité littéraire étant au programme, il faut bien se
nourrir de plus encore. Mais attention aux mauvaises interprétations ! La
piste qui mène au cœur de la romancière est mince et les neiges du secret
mi-dévoilé mi-dissimulé recouvrent rapidement les traces qu’elle a abandonnées
entre les lignes. En revanche, si vous désirez connaître les six plus belles
heures d’Amélie Nothomb, ruez-vous en librairie ! Vous ne le regretterez
pas, c’est un excellent roman.