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Through : voir le monde à travers un objectif
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5 octobre 2007

VII.

Ils sont là. Mais ailleurs. Ils voguent entre d'autres lignes. D'autres rails. Entre dictée et imaginaire. Entre station assise et voyage intellectuel.
Le plus plaisant ? Sans exercer trop de pression. - Il ne faudrait pas les perturber ! - Les observer du coin de l'oeil. Et surtout déchiffrer le titre de l'ouvrage. L'auteur. Opérer une petite corrélation entre le type de littérature en cours et l'allure générale du lecteur RATPiste lambda de 8h30, 13h15 ou 18h45. Raccourci tentant, certes. Voire facile. Et l'Homme est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Mais tellement délicieux ce petit jeu. Léger. Sans  conséquence autre qu'un sourire intérieur, celui de la libre fabulation sans heurt.
Certains ne voient plus rien des stations qui défilent. Et se lèvent d'un bond en pestant et en fourant leurs opus dans le fond de leurs sacs. D'autres semblent lire à peine deux phrases et surveiller frénétiquement à chaque virgule. Chaque point. La progression de la rame vers leurs stations. Parfois, certains font profiter leurs lectures à leurs voisins. Ou leurs découvertes littéraires d'un éclat de rire. D'un soupir. De leurs babillements s'échappent quelques mots. Valses des lèvres que d'autres cachent derrière leurs cheveux balançant devant leurs visages. Petite bulle pour ne perdre aucune saveur des mots alignés noir sur blanc.
Le plus amusant peut-être. Deux Lecteurs côte à côte. Ou à quelques pas. Qui ne se sont pas vus, c'est plus drôle encore. Dévorant deux livres différents d'un même auteur. Voire le même, mais c'est plus rare. L'un descend aux Halles. L'autre à Saint-Germain-des-Près, sans se saluer évidemment. Aucune connivence. Aucun conseil littéraire. Mais une même absorption dans l'univers d'un seul auteur. Surprenante familiarité. Et à Vavin leur écrivain prend place dans la rame tout juste désertée par ses mots dactylographiés. Imprimés. Lus. Aimés peut-être.

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3 octobre 2007

VI.

Soudain. La foule se fait plus oppressante. Le monsieur à gauche recule sur les pieds des autres usagers. Et se penche vers le bas. Un râle et une remontrance se mêlent à l'incompréhension à travers les souffles des voyageurs sommés de s'écarter alors que manque la place. A deux pas de là, d'autres ne s'aperçoivent pas de ce mouvement. Et de nouveau. Tous s'agitent vivement. Un homme tombe. Ils l'interpellent. Le questionnent. Le tiennent en éveil. Ses yeux tournent vers le haut. Sa main glisse sur la rambarde centrale. Ses genoux plient. Dans sa main, le cartable ne bouge pas. Comme une bouée, il s'accroche au cuir. Malaise.  Et ses yeux épient sans cesse les visages de ceux qui lui parlent. Quelques uns se précipitent pendant que d'autres reculent. De l'attention et de l'air. Soutenu, l'homme laisse les dernières forces le fuir. Un autre homme, en costume, cravate et serviette le maintient tant bien que mal. Ses bras sous les aisselles du fragile inconnu. Et les secouristes improvisés assoient le chétif voyageur. Il ne dit rien. Sauf, "la tête". "Ma tête", souffle-t-il encore une fois avant que des passagers ne le hissent sur le quai pour qu'il attrape au vol un courant d'air. Debout, il ne s'enhardit à aucun mouvement. Son regard, une fois encore, se tourne vers le métro qui démarre dans un indifférent élan mécanique. Appréhension et soulagement tintent ses yeux d'une lueur particulière que je ne sais abandonner. La rame plonge dans l'obscurité d'un tunnel...

27 septembre 2007

V.

Il a mis longtemps. A relever les yeux. A oser les planter en face de lui. Avec fierté et volonté. La main posée sur la porte coulissante. Pour voyager. Se donner le droit de fuir. De regarder ailleurs. Plus loin. De sentir une présence. Et son autre main, maintenue. En sécurité. Dans la chaleur connue. Là où nulle interrogation ne vient tracasser son esprit.
Longtemps aussi à sourire. Peut-être se posait-il des questions. Se sentait un peu menacé. Et puis, quand la porte s'est refermée. Quand il a fait un bon en arrière. Surpris. Malgré la sonnerie. Trop absorbé à donner des coups d'oeil à la dérobée. Et quand rassuré par la rire de sa maman. Le petit garçon a regardé le mien. Et m'a rendu. Derrière les plis de la veste maternelle. Le sien. Son sourire. En même temps qu'une nuée de battements de cils. Entre envie d'épier. De détailler. De s'approcher. Et recul préventif. Derrière les jambes de sa maman. Laquelle a posé ses mains sur le tête de l'enfant.
Les stations défilent. Mais il ne lâche rien. Ne baisse plus le regard. Et, à défaut, le détourne par moment.
Et en sortant de la rame. Il se retourne. Ôte sa sucette où pend son doudou. Et souris franchement. Et me salue de sa petite main.

Petit rien du RER B.

20 septembre 2007

IV.

Assis sur les strapontins, il regarde les gens monter et descendre dans  la rame. Il a ce regard particulier. Une vision déformée à travers une bulle. De temps en temps, son regard s'arrête sur trois minettes fardées, sur une mère de famille empêtrée avec la poussette et le bébé, sur l'homme aux cheveux blancs et à la peau noire dont il ne semble pas saisir les propos. Il détaille le visage, les mouvements. Il ne voit presque rien d'autre que ce qui se glisse en face de lui. Mais lui ne bouge pas. A peine. Ses lèvres quelques fois, mais sans rompre le silence. Avec trop peu d'articulation pour saisir les mots prononcés. Il demeure mystère. Et ses cils marquent des pauses trop longues pour une simple accommodation. Il suit quelque chose ou quelqu'un peut-être. Son monde pris dans le monde qui court de rame en correspondance.
Présent. Mais extérieur. Comme protégé. Mis hors de portée. Le métro freine. Un homme lui écrase les pieds. Et rien ne traverse ses yeux. Seule sa main se lève pour conjurer les excuses du voyageur piétineur. Il tangue. Petit. Il ne dépasse pas le flot des voyageurs. Sans pouvoir se tenir. Il se maintient. Ses jambes se raidissent. Ses doigts de pieds se crispent. Quand le conducteur freine. Oppressé par les autres voyageurs. Il s'imbrique dans les autres. Pièce du puzzle. Manquant. Au contour flou. Il est déjà repartit. Dans sa bulle. Loin. Au milieu pourtant.
Une autre rame. Debout, derrière une jeune fille il sourit. Elle souffle sur la fausse fourrure verte du col d'une personne âgée devant elle. Comme les blés et le vent. Les poils synthétiques se couchent. Son sourcil se fronce en apercevant un homme ivre couché par terre. Et il attrape la sac de voyage d'un couple trop encombré pour prendre garde à la fermeture des portes. Du signal, il ne perçoit qu'un grincement. Il est ici sans l'être. Paradoxal.
Si près des gens et totalement en dehors. Entre chaque station. Il ferme les yeux. Sa jambe droite oscille. Et ses lèvres se pincent. Sa tête penche légèrement, comme douloureusement vers la droite. Intensité dramatique dont personne ne saisit les ressorts.
Il n'est pas d'ici. Remarquable d'invisibilité. Comme dans une bulle.
Et. Sa bulle s'appelle musique. Dans ses oreilles, une discrète pareil d'écouteurs.
Le monde ne tourne pas de la même façon quand il marche dans son aura de gamme. Le son un peu trop fort, certes. Plus rien n'a le même sens ni la même saveur. C'est comme si les portes des sens s'ouvraient à mesure que se ferment les portes de la communication et de la sociabilité. Comme une issue sur le côté. Un monde parallèle. En alerte sensorielle et repli généralisé de la courtoisie.
La valse des utilisateurs ne faiblit pas. Métro parisien. Heure de pointe. Ils sont si proches et tellement étrangers. Extirpé des lieux communs par la partition. Retranché dans quelques souvenirs qu'évoquent inévitablement les morceaux joués en boucle. Intouchable presque. Aussi dur qu'une pseudo indifférence. Comme absent. Pourtant. Il sourit des contrôles de polices en civils. De la mine déconfite d'une grand-mère à la main leste sur le blush. Et des parades amoureuses des minots du quartier. Sa fuite n'est qu'apparente.
Une bulle musicale pour toute protection. Et pour rester connecté, un sourire. Mais plus de mot. Des filets de voix plus ou moins marqués lui parviennent. Ceux des chanteurs qui défilent dans ses oreilles. Et ceux des passagers de la rame qu'il perçoit de temps à autres. Entre chaque plages et autres éloquents silences.
Il est sorti de la ronde et de son tournis. Sensation étrange. Envoûtante. Un peu angoissante aussi. Proie et prédateur à la fois. Qu'importe. Le frisson qui le parcourt quand sa chanson favorite s'annonce, d'une tristesse marquée, est irremplaçable. Là, au milieu de la foule, son coeur s'aligne sur le rythme du morceau. Jamais il n'avait entendu sa chanson avec une telle intensité. Une jeune fille qui cherche sa place dans ce monde. Et ce monde qui littéralement court d'un point à un autre. Tout s'anamorphose. Et le transporte.

16 septembre 2007

III.

RER D. 9h17. Direction Gare de Lyon.

dans_le_rer_copieS'égosillent et babillent. Sur le quai un groupe d'élèves s'attroupe. Des espagnols visiblement. Appareil photo numérique dernier cri en main, ils mitraillent le RER Dupleix qui entre en gare. En face d'eux. Changement de direction. Il est loin le temps des casquettes canari pour repérer les troupes. Signe distinctif des écoliers en voyage. Elles ont fait place à un sac à dos bleu et noir. Sponsorisés. Ils piaillent. Inspectent la gare. L'un montrant une étrangeté à un autre. Les filles se collent les unes aux autres et rient encore en dévisageant un jeune homme au bout du quai. Leur train apparaît au tournant des rails. Ils s'agitent. Immortalisent l'instant. Une curiosité en 3D. Et se lancent dans un marathon pour rejoindre la porte automatique la plus proche. Et s'engouffrent. Au deuxième étage, évidemment. Les professeurs s'affolent et se galvanisent de cet enthousiasme bruyamment manifesté.
Une nuée de demoiselles s'agglutine à huit sur six places. Rient à grands cris. En mexicain, peut-être. Leurs cartes plastifiées qui pendent à leurs cous ne sont pas lisibles. Leurs doigts pointent mille choses imprécises au dehors. Les téléphones portables photographient à tout va les grimaces des écolières sur fond de Seine. Quelques unes demeurent impassibles et silencieuses. A grand coup de fermeture éclair les sacs s'ouvrent. Et s'étalent des trousses entières de maquillage. Qui côtoient des peluches. Un chat à poil long. Sauvagement extirpé de sa cachette. Caressé du bout des doigts.  Tout en discutant et en essuyant les reproches des camarades. Les garçons se ruent dans les couloirs du RER. Les filles les suivent du regard. S'esclaffent. Et s'emparent de leurs tubes de "peintura". Les pochettes de beauté, ou de ravalement, c'est selon, sont des plus garnies.  Quel âge ont-elles ? Elles se maquillent comme des jeunes femmes mais rient comme des fillettes. Liberté trouvée sous d'autres horizons. Elles font sourire les autres voyageurs. Et leurs prétendants. Fard à paupières, fond de teint, blush, khôl... Tout s'alignent sur leurs genoux. Et leurs mains s'activent devant les miroirs que tendent leurs amies assises en face.
Et apparaît un outil improbable. Improbable d'efficacité. Et tellement simple finalement. A portée de mains. Seulement détourné. Une cuiller à soupe. Après la danse de la brosse de mascara noir, s'applique d'un coup sec et précis le revers de la cuiller. Effet garantit.
Le train entre en gare de Lyon. Le conducteur du train fait son annonce. L'attirail se remballe à une vitesse folle. Les garçons remontent endosser leurs sacs. Les sourires s'aiguisent. Les filles jettent un coup d'oeil au miroir de fortune d'une porte de RER dans un tunnel. Replacent leurs vestes. Satisfaites. Ils sautent sur le quai. Paris à leurs pieds.
Sans doute, des paillettes dans les yeux, ne verront-ils rien de la femme saoûle au premier étage du RER quand ils rentreront ce soir. Pas plus que le SDF qui se réchauffe dans la rame.
...

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7 septembre 2007

II.

RER B. 23h20. Un soir de semaine.

Il n'y avait pas foule. Pas un bruit non plus. Seulement le long sifflement des roues métailliques sur les rails. Les appels  d'airs par les fenêtres sales. Les claquements des particules de silence. Personne ne parlait. Personne ne se parlait. Tous des voyageurs solitaires. En individuel. Elle aussi. Assise tout au fond du wagon. Son horizon. Des cloisons bleues. Quelques touches de rouge et de jaune. Elle observait les autres. Droit devant elle. Juste là, sous son regard. Des crânes plus ou moins chevelus et des visages plus moins expressifs. Jamais un face à face. Tous s'évitent. S'absorbent dans un magazine ou dans le néant des souterrains. La musique change dans ses oreilles. Quelque chose s'éveille ou se brise dans son regard. Elle pourrait rester là. Assise. A jamais. Ne plus bouger. Aller jusqu'au terminus qu'elle ignore. Et voir ce qui se passe. Attendre. Le déluge. L'apocalypse ou le prochain convoi.  demeurer inerte. L'oeil sur le défilé des tunnels ou peut-être sur des paysages nocturnes. Quelques lumières peut-être sur le noir horizon. Au lieu de cela. Chatelêt, et ses sièges en plastique orange. Tout le monde descend. Vers ailleurs. Vers nulle part. Peut-être. Où vont tous ces gens au coeur de la nuit. Les couloirs déserts. En journée bondés. N'indiquent aucune direction. Tout au plus un dédale d'autres couloirs. De couleurs blafardes. Rien, en somme. Elle suit le flot. Puis se disperse. La musique tape toujours à son coeur. Elle s'engouffre sur le tapis roulant dont elle ne voit pas la fin. Lutte. Un pas devant l'autre. Mais se sent inerte. On la fixe. Elle le sent. Reprend conscience. Hagarde cependant. Elle n'est pas d'ici. elle méconnaît tout. Elle a pris le mauvais chemin. Celui-ci à défaut d'un autre. Le sens d'une flèche, au hasard. Elle s'arrête. La mécanique la ramène en arrière. Devant elle. Droit devant. S'éloigne la destination. L'accessible.

2 septembre 2007

I.

solitude_metroDébarquer à Paris. La capitale. Celle du tumulte. Presque jour et nuit. Même s'il est possible de la surprendre à l'aurore. En marchant sur la pointe des pieds, les matins du Jour de l'An. Paris. La grande ville que l'on regarde de loin depuis sa campagne. La ville des amoureux. De la culture. Des monuments. De l'Histoire royale. Du passé inscrit aux frontons des immeubles anciens. De la jeunesse en mouvement incessant. Du pouvoir politique. De la mode. De l'avant-garde gay. Des paradis artificiels. Des expériences et de la découverte. Des touristes et leurs appareils photo. Des flâneurs et des stars du showbiz. ... De l'étonnement perpétuel en somme. Surtout pour une petite provinciale qui brise les carcans des frontières familiales. Paris. Oui, la grande ville. A nos pieds. D'une ligne de RER à un parcours de "green bus". Presque 400 stations pour 16 lignes de métro, 5 de RER. Et 3 de tramways. Sans compter les lignes de bus et les rues comme des invitations aux voyages sans fin.
Commencer par se perdre. Une fois au moins. Sur un quai de RER. Avec 15 kilos de bagages superflus et un portable qui sonne en même temps que tombe les sacs. Une voix devenue familière. Un "Bienvenue à Paris". Qui raisonne encore. Laisse espérer. Mais pour le moment, c'était l'heure où Paris menait la danse. Bien sûr, s'il existe plusieurs arrêts pour une même destination, cela complique les choses. Après, se sera la revanche sur Fulgence Bienvenüe et sa construction de la ligne1, débutée en 1899. Lui tirer la langue en faisant des parcours entiers les yeux fermés. Reconnaître le virage annonçant Bastille et sa vue sur l'arsenal. La lente progression vers la Place des Fêtes et son ralentissement, l'odeur de Vavin, la durée entre la station Champs Elysées et Concorde, l'emplacement sur le quai du RER B, à Châtelet pour sortir droit en face des marches, les oscillations de la ligne 14 ... ... ...
Que serait Paris sans son dédale de la Ratp. Ses sous-sols percés de part en part. Ses rames de métro qui se croisent. Avec leurs 2 813, 2 millions voyageurs en 2005. Ses conduits qui se superposent. S'empilent sans jamais se toucher. Se rapprochent puis dévient à l'autre bout de l'itinéraire. Ses wagons mis bout à bout où se jouent des drames ou des morceaux de Mozart sans éveiller aucun soupçon pour les voyageurs de la voiture suivante. Tant de vies. Tant d'histoires. Côte à côte. Qui se frôlent autour d'une barre centrale. Qui se côtoient et se donnent la réplique sur des strapontins tagés. Se sourient. Parfois conversent. Lisent un Pomme d'Api en choeur. Ou s'indiquent une rue. Là-haut, sur terre. Quelques fois se disputent aussi. Se narguent. S'attaquent. Le plus souvent se calfeutrent dans un livre. Dans la contemplation méthodique de la pointe droite de leurs chaussures. Ou se murent dans le silence d'un mp3, volume au maximum. Qui noient leurs regards dans l'obscurité des tunnels.
Tant d'existences imprenables. Parfois rieuses. Parfois songeuses ou en larmes. Ces âmes effleurées. Observées du coin de l'oeil. Oubliés au détour d'un couloir de correspondances. Ces visages que l'on croise systématiquement dans le métro. Qui vivent à deux pas de chez soi, mais que jamais nous ne voyons à la lumière naturelle.
Tant de vies qui nous échappent. Pas plus qu'un frisson. Qu'une odeur, quelques fois subie en été et qui participera à la réputation du métro. Des vies les unes sur les autres, barricadées. Par la langue, les a priori, la timidité, les peurs, le manque de temps et d'envies. Des vies en transit. D'un point à l'autre. Dont on ignore tout. Ces couples, ces parents, ces jeunes hommes en costume, ces demoiselles à la sortie du lycée qui répondent aux signaux de ces damoiseaux frétillants, ces dames âgées qui ont gantées leurs mains de sac plastique, ces marginaux qui se sont habillés de couleurs criardes, demandant ou non, un ticket resto, une clope, un peu d'égard, ces hommes encravatés qui relisent le dossier à défendre au bout de la ligne, ces accidents de personnes, ces enfants qui hurlent en même temps que la sonnerie de la porte, ces rencontres le temps de quelques stations, ces crises de jalousie exposés aux usagers, ces bribes de conversation téléphoniques à sens unique dont on joue à imaginer les réponses ou la teneur, ces engueulades, ces scènes de théâtre, ces lecteurs avides qui ne lâchent pas des yeux les pages de leur roman même dans les couloir et qui croisent sans s'en rendre compte leurs auteurs dans la rame, ces bambins qui déchiffrent le parcours sur les panneaux indicateurs ... ... ...
Tant de vies englouties toutes les trois minutes dans des rames entières.
Tant de vies. Comme par enchantement apparaissent et disparaissent sans laisser de trace. Ni d'indice.

Embarquez Mesdames et Messieurs.
Attention, fermeture des portes.
Prenez garde à la fermeture des portes.
Prochain arrêt dans trois minutes.

23 août 2007

Dans la cour d'Amélie Nothomb.

nothomb_gRentrée Littéraire.
Amélie Nothomb. Ni d’Eve ni d’Adam.
Editions Albin Michel.

Dédicace et rencontre.
Virgin Megastore des Champs-Elysées. Paris. 8e.

Mercredi 22 Août 2007.

 

Chaque année, Amélie Nothomb ouvre le grand défilé de la rentrée littéraire. A compter de ce jour et dans un laps de deux mois, 727 romans – dont 493 français - vont envahir les étals des librairies. Dès la parution de son roman, l’écrivain belge prend place dans l’arène du Virgin Mégastore des Champs Elysées. Un rituel bien huilé qu’aucun fan qui se respecte ne rate. Cette année encore, elle était au rendez-vous, coupe de champagne en main, of course ! Cela dit, elle était loin d’être seule !


            Une séance de dédicaces d’Amélie Nothomb évoque une chanson. La Mamma de Charles Aznavour.  Avec cette mythique intro « Ils sont venus. Ils sont tous là. Dès qu’ils ont entendu son cri. » … En remplaçant cri par rire… Le communicatif et franc rire de l’écrivain est souvent comparé à celui du commentateur sportif Thierry Roland. Le rapprochement s’arrête là. La romancière n’ayant rien en commun avec une mamma italienne ! Ses fans, en revanche, ont tout de la groupie,avec heureusement, différents degrés.
       Les plus acharnés patientent dès le matin pour … Bonne question ?! La file d’attente ne se mettant en place qu'aux alentours de 15h alors que leur égérie n’entre en scène qu’à 18h. A l’arrivée de la super star du cahier de brouillon et du stylo bille environ 400 personnes s’agglutinent dans les moindres recoins du supermarché de la culture. Si les demoiselles sont en nombre, les hommes ne sont pas en reste et les âges varient grandement. Dans cette foule, des amoureux des mots, des lecteurs de la première heure, certains osent une critique ou déprécier tel ou tel roman, d’autres disent amen à toutes les parutions, des pré adolescents bruyants ou tirés à quatre épingles, des retraités, des travailleurs RTTistes pour l’occasion, des banlieusards pestant contre le RER en retard qui leur a fait perdre dix places, des doublures - vestimentairement parlant-, des curieux qui passaient par là, des mères de famille, appareil photo en main et les éternels habitués présent à chaque dédicace du début à la fin. Attention, si le rideau noir estampillé Virgin bouge encore alors que les dédidaces ont pris fin, c’est qu’Amélie Nothomb est peut-être encore là. Vous êtes sûrs alors, de les voir se tordre le cou pour tenter de vérifier cette information intuitive. Ne sait-on jamais…
Cette année, nul lecteur offensé par les écrits d'Amélie Nothomb ne semble avoir pris place dans les rangs de cette masse impatiente. Peut-être dans la boîte aux lettres d'Albin Michel, comme cela arrive parfois...
   Parmi la foule quelques spécimens se détachent. Visage peint en blanc. Tenue intégralement noire. Eye-liner débordant et lèvres agrandies à coup de pinceau écarlates. Couettes éparses. Mitaines rayées rouge et noir, semblables à celles d’Amélie Nothomb sur la couverture du roman, signée par le photographe Jean-Baptiste Mondino. Et autres chapeaux et vêtements aux accents gothiques. Evidemment, quand les caméras « Des livres de la 8 » (l’émission littéraire de Direct 8 animée par François Busnel, également directeur de la rédaction du magazine Lire) et de Campus (le programme littéraire présenté par Guillaume Durant sur France2) filment ils sont les premiers à être interviewés. Mais la tenue n’influence pas le discours. Tous aiment. Non, pardon, adorent ! Stupeur et Tremblements (roman publié en 1999, récompensé du Grand Prix du roman de l’Académie Française la même année) rafle la première place de leur top. Suivent, tous chez Albin Michel, Métaphysique des tubes (2000), Hygiène de l’assassin (1992, premier roman d’Amélie Nothomb, Prix René Fallet). A noter tout de même que les romans fortement autobiographiques, comme Biographie de la Faim (2004) sont les plus cités et les plus sollicités. (Amélie Nothomb choisit volontairement de sous-titrer ses œuvres « roman » et non « autobiographie ». En bonne philologue, elle connaît l'étymologie et les multiples sens d'un nom commun. Elle regroupe sous ce terme toutes les acceptions du ce mot. Soit, un sens très large, un brin fourre-tout. ) Quant à expliquer ce qui leur plaît dans l’écriture d’Amélie Nothomb, les admirateurs adoptent le plus souvent la position de la carpe - animal honni de l’auteur - bouche ouverte sur un long « euh ? ». Exercice certes délicat que d’identifier ce qui séduit chez un auteur. Et les caméras n’arrangent rien. Incontestablement, ils finissent par s’accorder sur quelques points. Elle a un style bien à elle, ses histoires les happent et les surprennent, les sujets sont originaux  et le tout est très accessible.nothomb
         Durant les heures d’attente, certains lisent Ni d’Eve ni d’Adam. D’autres préfèrent se réserver un coin de silence et le plaisir d’interrompre leur lecture pour alimenter leur plaisir avec chaque jour quelques chapitres. Certes, les romans de l’écrivain belge ne sont pas les monuments de 900 pages de Jonathan Littell (Les bienveillantes, 2006, prix Goncourt, Grand Prix du roman de l'Académie Française). La parcimonie est de rigueur pour que dure le bonheur de plonger dans l’univers d’Amélie Nothomb ! Ceux qui étaient à l’ouverture d’une quelconque librairie tôt le matin même, se targuent de l’avoir terminé dans les transports et s’étendent abondamment sur les passages croustillants ou émouvants, en livrant le meilleur à leurs voisins ébahis ou envieux. Plus tard, se sont eux, éclairés par leur lecture préalable, qui opinent du chef pour accompagner la lecture à voix haute de l’intervieweur, pour confirmer ou infirmer ses commentaires. Tous cela se passe dans un joyeux chaos… Mais quand Amélie Nothomb – sans chapeau au grand regret de ceux qui la réduisent à cela - escalade enfin l’estrade du Virgin, tous se taisent et boivent avec ferveur ses paroles comme elle son champagne, arrosé cette année par la condensation. A la vôtre !        
      Depuis ce matin, sont en ligne sur les blogs des groupies photos, vidéos et commentaires sur cette rencontre. Les plus impudiques livrent jusqu’aux mots échangés avec celle qu’il idolâtres. Etrange ?!
Qu'ils gardent religieusement pour eux ces quelques minutes auraient été moins surprenant.
        Nul doute que tous les lecteurs d’Amélie Nothomb seront ravis cette année encore avec Ni d’Eve ni d’Adam. Elle remonte le temps jusqu’à l’époque de Stupeur et tremblements, pour livrer une autre facette de cette période et de sa personnalité. A l’honneur, des histoires de cœur. Coeur tiède pour Rinri, un jeune tokyoïte avec lequel elle vit une brève aventure. Cœur brûlant pour le Japon et son emblématique Mont Fuji.
        Ses admirateurs tenteront certainement d’analyser la femme Amélie Nothomb, et non seulement l’écrivain. La qualité littéraire étant au programme, il faut bien se nourrir de plus encore. Mais attention aux mauvaises interprétations ! La piste qui mène au cœur de la romancière est mince et les neiges du secret mi-dévoilé mi-dissimulé recouvrent rapidement les traces qu’elle a abandonnées entre les lignes. En revanche, si vous désirez connaître les six plus belles heures d’Amélie Nothomb, ruez-vous en librairie ! Vous ne le regretterez pas, c’est un excellent roman.


an

 

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