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Through : voir le monde à travers un objectif
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11 février 2008

Chronique du Métro XII.

Lui ne s'assoit jamais avec les autres. Pas plus qu'il n'occupe un de ces sièges orange vif et repoussant. Jamais. Sous aucun prétexte semble-t-il. Ils ont tous leurs places dans cette enfilade. Des visages et des vêtements différents. Des rôles aussi. mais tous portent l'insondable au fond des yeux. Il y a le couple d'amis, qui rit et salue les jeunes filles, comme les moins jeunes d'ailleurs. Toujours un mot pour les faire sourire, ou simplement réagir. Il y a aussi le petit black qui passe de temps en temps. Mais il ne regarde que le carrelage d'un blanc sale et à qui il fait de grands discours, des plus argumentés. Intonations et gestuelles comprises. Mais lui. Lui reste là, derrière le pilier saturé de carrelage. A même le bitume grisâtre. Coincé dans l'angle. Juste à la limite de la rigole d'évacuation. Et il dort. En boule, toujours. Le dos tourné au quai. Il ne tue jamais ses journées à coup de rêves bien calé dans le plastique criard qui s'aligne pourtant à quelques pas de là. Il ne se moque pas du temps qui s'étire en trinquant avec les autres, à coup de bière et blagues. Ils sont pourtant eux aussi, à deux pas. Comme pour dire qu'il n'est pas de ce monde là. Ou peut-être qu'il n'a même plus le droit à ce monde là. Il a cependant fier allure dans sa veste de costume ocre. et dans le fond de ses yeux, de la dignité.

Station Goncourt, ligne 11. Quatre personnages du quai.

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7 janvier 2008

Exit Meetic. Welcome Lavotomatic.

Joindre l'utile à l'agréable... Une des doctrines préférées d'Horace comme me le soulignait il y a peu une sage voix. Le progrès nous attend parfois au coin de la rue... Et il peut même nous surprendre. Et oui, encore ! Incroyable, non ? Après tant d'avancées technologiques, il a plus d'un tour dans son sac, le malin. Enfin peut-être pas en matière de civisme et d'humanisme. Mais que voulez-vous, on ne peut pas tout régler en même temps.
Aujourd'hui, plus besoin de payer une cotisation pour accéder aux pages misérablement designées de Meetic, le paradis légal de la drague, et plus si affinités. Ni de passer des heures (perdues) à trier les prétendant(e)s qui vous choisissent pour votre petit minois placardé dans les cases prévues à cet effet. Ni de se ruiner les doigts sur un clavier pour chatter en live, jusque trop tard dans la nuit, sur MSN pour tester la brochette de vos élu(e)s retenu(e)s après plusieurs tours et moult débats intérieurs, évidemment. Plus besoin, non plus, de retirer un à un les espoirs et les onces de millièmes d'hypothétiques sentiments à la pince à épiler quand tout capote. Maintenant, pour joindre l'utile à l'agréable, sans oublier le pratique, il faut tout faire en même temps ! Et oui. C'est tellement plus simple et rapide. Élémentaire ! Il suffit pour cela, par exemple, à hauteur d'une fois par semaine (posologie minimale) de décrocher son regard du soporifique roulis d'un tas informe mais coloré de vêtements, boulochant gentillement dans la machine à laver du lavotomatic du coin. Et de regarder les gens qui attendent à vos côtés. Qui siègent devant les séchoirs. Ou cassent la caisse qui a décidé de faire des caprices. (Heureusement que ce n'est pas tombé sur vous ! ) Et voilà. Le tour est joué. Emballé c'est pesé. En même temps que vos jeans, polos et autres chaussettes trouées, vous embarquez le numéro de la demoiselle qui s'ennuyait (selon vous, alors qu'elle lisait). Il fallait y penser ! Le rendement, il n'y a que cela de vrai. Et veine supplémentaire, vous avez économisé du temps. Et de l'argent ! Puisque évidemment, toute votre monnaie a été englouti dans un tour de machine à laver à 3,20E, une dose de lessive Super Croix en tablettes à 0,90 cents et trois fois 10 minutes de séchoirs à 0,80 cents l'unité. Le café, une autre fois... Quand elle vous rappellera, comme elle l'a dit. Vous ne doutez de rien, pas même de son sourire (de politesse). Vous êtes certains que votre charme a opéré. Elles tombent comme des mouches ces demoiselles... Donc, la prochaine fois, vous la conduirez au café du coin...
Mais oh mon gars, réveille-toi ! Où tu as appris le romantisme ? Où as-tu appris l'art de la séduction ? Dans un cours du soir en promo sur Internet peut-être ? Tu crois vraiment que les jeunes filles en fleur que tu caresses de ridicules et postillonnants "vous êtes vraiment trop charmante, c'est dingue" aiment se retrouver observer par un jeunot sans prénom mais à l'haleine de putois à 13h20 alors qu'elles sortaient leurs culottes du tambour de la machine ?

Et voilà, une troisième laverie à trouver !
Zut, c'est la moins chère du quartier.

3 janvier 2008

Gustave au Grand Palais.

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Exposition Gustave Courbet. (1819-1877)
Galeries Nationales du Grand Palais. Paris.
Site : clic.
Du 13 10. 07 au 28.01.08.

 




Je préfère peindre des yeux humains plutôt que des cathédrales - l'âme d'un être humain - même les yeux d'un pitoyable gueux ou d'une fille du trottoir sont plus intéressants à mes yeux.


Parce que j'aime visiter les expositions à la dernière minute. Ou presque. Avec ce sentiment d’urgence. Et de sursis, surtout. Puisque tout ne résume qu’à cela. Le sursis. Ou presque. Je suis allée me promener dans les salles rouge, bleue et verte du Grand Palais en passant par un escalier décoré d’arabesques, de verre et de marbre. Un mercredi après-midi de janvier 2008. En sortant du travail. La musique criait trop fort dans mes oreilles. Elles aussi, en sursis. Ma peau se congelait dans mes collants noirs. Et mes genoux se dérobaient à mes pas. Les idées ailleurs, du côté du Pont Alexandre III, tout proche. Et puis. J'ai usé de certains privilèges. Ai coupé la file. Gravi quelques marches. Répondu aux salutations des vigiles d'un air absent et pressé. Et. J’ai raccroché mes yeux aux 120 peintures présentées. A loisir… portraits, paysages, marines, natures mortes. A la trentaine d’œuvres graphiques, originales pour la majorité et à près d’une soixantaine de photographies d’époque qui rythment l’exposition. (Nadar, Le Gray, Le Secq…)
Il y avait foule. Toutes générations confondues. Et je n’aime guère les attroupements. J’ai donc glissé entre les groupes pour me suspendre aux toiles. D’emblée, les commissaires d‘exposition ont choisi d’exposer les portraits, et plus encore, les autoportraits. Avec cette toile saisissante qui a été reprise sur les affiches publicitaires. (image ci-dessus) Le désespéré, 1843-1845, annonce le cartel. Tout est novateur dans ses autoportraits. Evidemment, de tout temps, il a toujours été plus aisé de jouer avec sa propre image qu’avec celles des commanditaires, célébrités, amis et proches qui vous confient le soin de les reproduire. Alors Gustave Courbet ne s’est pas privé d’expérimenter. Lumière. Cadrage. Pause. Tout est revisité. Le résultat en est touchant. Emouvant. Captivant. Presque dérangeant. Une invitation à explorer l'âme tourmentée de cet artiste romantique à travers le regard de ce bel homme. Au regard fou, et tellement humain.
D’une salle à l’autre, j’identifie les toiles dont j’ai étudié la genèse, la composition, les couleurs. Entre deux morceaux de musique, j’écoute et observe. Les gens montrent du doigt L’enterrement à Ornans qui avait fait scandale au Salon de 1850-1851 pour la trivialité des visages, la laideur diront certains, pour le choix des dimensions de la toile.
Une toile monumentale qui était alors réservée aux représentations de sujets dit nobles, comme les scènes historiques. (A l'époque, Courbet est fortement discuté. Certaines années, l'entrée du Salon des Refusés lui est interdite. Belle revanche aujourd'hui. Le voilà aujourd'hui salué, admiré, copié. Au-delà de bien des peintres de son temps, ultra classiques et conservateurs.)  D’autres plus loin, décomposent L’atelier du peintre (1855). S’immobilisent devant Les baigneuses (1853) autre scandale du Salon de cette année là. Des mamies expliquent à leurs petits enfants, que dans le tableau intitulé La rencontre, le monsieur au sac à dos n’est autre que Courbet, lui-même… Je me demande si elles les laisseront voir, à l’étage du dessus, des oeuvres somme toute moins romantiques et plus crues que ces créations de jeunesse. Car  L’origine du monde (1866) est bien là. Cachée dans une petite salle en arc de cercle à l’entrée de laquelle les spectateurs sont mis en garde. Attention à la sensibilité de certains. Certes... Les truites, bouquets et autres scènes de chasse qui succèdent aux tableaux dits érotiques rassureront les plus puritains.
Assurément, une belle exposition. Riche. Variée. Des portraits, aux séries des « vagues » en passant par les paysages, c’est tout le monde du peintre qui a résolument bousculé l’histoire de l’art et déposé son empreinte qui s'esquisse.  On découvre de toiles en toiles son désir sous-jacent de s’inscrire dans le réalisme, de faire vibrer sa peinture et son génie pour à la fois figer et restituer le mouvement. Ses personnages semblent prêt à se mettre en marche. Troublant.
Autre petit plaisir dans ce dédale au musée, suivre l’évolution de la signature de l’artiste. Petit rien qui m'amuse. Comme me noyer dans le sépia des premières photographies. Dont la fameuse Grande Vague de Le Gray, vendue à plus de
460 000 livres début 2000. Plonger dans le regard de Charles Baudelaire immortalisé par Nadar. Et détailler les cadres brodés de motifs. Ah, le XIXe siècle… et sa conception du luxe et de la beauté... Je me moque gentillement...
J’ai fait le tour de l'exposition plus vite que beaucoup. Certes. Mais j’ai emmagasiné ma dose d’émotions devant ses œuvres. Pas besoin de commenter des heures une touche de pinceau pour en saisir le sens, la volonté et l'émotion. Seulement de la ressentir...

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Le bord de la mer à Palavas (1854)

A quoi sert la vie si les enfants ne font pas plus que leurs pères ?


8 décembre 2007

Miss France 2008, the show !

deviens_miss_france_sc0Miss France 2008, the show
ou le comble du ringard à la sauce contemporaine.


Et en avant pour la 26e édition...
En direct du Kursaal de Dunkerque,  le Comité Miss France, TF1 et tous leurs partenaires sont à pieds d'œuvre pour retransmettre la compétition de 36 demoiselles qui briguent la couronne de Miss France 2008.  Elles rêvent toutes, je cite, de réaliser leur désir de petite fille : devenir la princesse Miss France. Pour cela, ce soir, il faudra ravir l'écharpe à Rachel Legrain-Taprani, Miss 2007. Le but des unes, redonner un coup de jeune et du dynamisme à l'ancestrale Miss France. Des autres, incarner à leur tour "l'élégance à la française", qui c'est bien connu rime avec costume. Toutes les jeunes femmes, entre 18 et 24 ans, sortent valser la nuit venue (tout en prenant garde à respecter le couvre-feu fixé par Père et à embrasser Mère avant de passer la porte), dans leurs apparats régionaux  ou en maillot de bain et exècrent le string. Of course Darling ! Tout cela est très représentatif de la jeunesse française, vous en conviendrez. Mais soyons réaliste, le seul traitement des images, la tournure des quelques phrases échangées par les maîtres de cérémonie entre deux tours de piste de leurs poulains réduisent à néant le coup de jeunesse que voudraient donner ces jeunes femmes... et l'entreprise Miss France... Le compromis "vivre dans son temps et dans le respect des traditions, des bonnes mœurs" ne trouve pas son équilibre. Tout cela vire au comique. Surtout si l'on regarde l'ensemble (décor, tenue des invités, du jury, éclairages...) Et oui Geneviève, votre chapeau noir et blanc (ou blanc et noir, c'est selon) et votre rire ne sont plus les seuls à faire sourire les téléspectateurs du samedi soir en manque de programme intéressant.
Cette année, Geneviève, JP & Co. ont visé très haut ! et livrent un défilé du plus mauvais goût. Geneviève De Fontenay attaque très fort avec ses habituelles, mais toujours aussi surprenantes et hilarantes interjections. Patri(iiii)ck Bruel, président du jury pour cette édition 2008, aura eu bien du mal à "déclarer ouverte" cette émission (oups, lapsus), cette cérémonie bien entendu... Jean-Pierre Foucault, égale à lui-même dans son rôle de pilier défraîchi du PAF n'en prend même plus note. Il se contente de réciter ses petites fiches et de les ponctuer de sourires des plus soutenus.
En ce 08 décembre 2007, les demoiselles se voient miroiter la place de "l'héroïne" des français.  Et pour accéder à cette estrade tant convoitée, les 36 trente six prétendantes rivalisent de ... manque d'originalité... Et oui, malheureusement. La preuve par la vidéo... Les concurrentes sont présentées, dans un premier temps, par vague de 12 portraits filmés. Et là, patatra... Une redondance d'adjectifs qualificatifs agacent nos oreilles... Et évidemment, toutes seraient parfaites pour monter en haut de l'affiche Miss France 2008. Enfin, surtout sur les couvertures des journaux télé des semaines à venir et des affiches municipales de la Foire au Cochon. (Leur a-t-on dit ? Zut, j'ai gaffé. )
La palme revient au staff Miss France. Surtout en matière de choix musicaux sur les reportages vidéos ! Des images lisses (pour ne pas dire policées), des discours bien pensants et louables et des morceaux qui se veulent "djeunes", dans l'air du temps, fédérateurs intergénérationnels (d'autant que les saynètes sont un hommage à Dalida, disparus depuis 20 ans) La petite dernière chantonnera Christophe Willem, la cadette rira d'entendre plusieurs "tubes" de Britney Spears (dont le dernier "Give Me More" - est-ce vraiment flatteur d'ailleurs ?) et son grand-frère un brin anarchiste fustigera le petit écran de reprendre une fois encore Moby à des fins commerciales. Les parents eux rythmeront ces morceaux déjà entendus dans la cohue de leurs murs et reprendront en chœur les paroles de l'idole de leurs folles années. Un petit coup de Feist, de Désirless remixée par le très tendance mais pas trop DJ Abdel , du Johnny national en préretraite annoncée, en live, s'il vous plaît, et voilà ... Tout un programme... Soit. Et qui a coup sûr, quoique kitsch, d'un goût douteux, brabant voire soporifique, Miss France 2008 récoltera le plus fort taux d'audience de ce samedi soir face aux images du Téléthon. Ainsi va la France, et la représentation vieillie de son élégance.
Allez, je vous laisse apprécier le maquillage bleu (les yeux), blanc (le teint) rouge (les lèvres) de la Reine Mère Geneviève.

Miss France est morte. Vive Miss France...

 

23 novembre 2007

Alberto Giacometti, façonner le vide.

16Exposition : L'atelier d'Alberto Giacometti.
Au centre Georges Pompidou. Paris.
Du 17 octobre 2007 au 11 février 2008
(Clic : Infos)


"La grande aventure, c’est de voir surgir quelque chose d’inconnu, chaque jour, dans le même visage. C’est plus grand que tous les voyages autour du monde."


Alberto Giacometti, l'artiste aux sculptures filiformes d'hommes qui marchent, aux portraits de plâtre retravaillé au canif, maculé avec de la couleur, aux toiles grises... Le peintre, sculpteur, dessinateur suisse est à l'honneur au dernier étage du musée Pompidou.

Dans la première salle de la galerie, la rétrospective organisée par le musée et la fondation des époux Giacometti, présente les premières œuvres - tableaux et sculptures - d'Alberto Giacometti (1901-1966). Des portraits de la famille de l'artiste aux accents pointillistes, impressionnistes se succèdent. Et déjà, entre les taches de couleurs s'esquisse la perception particulière de l'artiste sur les hommes. Plus loin, sont exposées les premières expériences avec la matière du créateur.
Aîné d'une fratrie de quatre enfants, il est initié à l'art par son père, lui-même peintre. Après ses études aux Beaux-Arts de Genève Alberto Giacometti gagne Paris, en 1922. Il travaillera alors aux côtés des surréalistes. En 1927, son frère Diego (qui sera avec Annette, la future épouse d'Alberto, un des modèles récurrents de l'artiste) le rejoint en France. Ils emménagent dans l'atelier du 14e arrondissement qui deviendra le repaire de l'artiste,et ce, jusqu'à sa disparition. iUn atelier mythique, et pourtant plus que simple, dépouillé. Sur des photographies exposées au centre Pompidou, l'espace de ce lieu de création se dessine par touche. Un escalier à la pente vertigineuse donne sur une baie vitrée à demie amputée, un espace réduit, peu meublé, quelque peu sombre dans cette mode des espace résolument ouvert vers la lumière. La petite pièce semble anodine, insipide. Et pourtant, sans que tout soit claire, elle laisse le sentiment qu'elle a beaucoup compter dans la vie et l'art de Giacometti. Il vit dans ces murs. Et les macule de ses coups de crayons à mesure que les idées se bousculent dans son esprit. Les murs sont les pages de ses carnets de croquis comme celle de son journal intime.
Dans un petit angle du centre Pompidou, c'est le volume de l'atelier de la rue Hippolyte-Maindron qui est reconstitué. Une table, des bustes en plâtre, une armoire maculée d'un portrait au trait, une console, un tableau ... dans le foisonnement d'œuvres présentées (au total 600 œuvres, peintures, sculptures, dessins, carnets de croquis, lettres, photographies, vidéo...) défile une vidéo. En boucle. Un piège. Impossible de s'en défaire. Le document présente Giacometti à l'œuvre. D'une main légère mais concentrée, Giacometti laisse courir un fin pinceau sur sa toile. Quelques repères. Des divisions de l'espace. Et un visage apparaît doucement. Ou plutôt des yeux. L'artiste n'achevait d'ailleurs jamais une œuvre s'il considérait que les yeux étaient ratés. Et il y a de quoi ! Toute l'intensité des toiles et dessins de l'artiste suisse se concentre dans le regard de ses personnages. Travaillé à l'encre, souligné d'aller-retour au stylo bille, il saisit à coup sûr l'attention des spectateurs.
s02cim1fEvidemment, pour le grand public le nom de Giacometti évoque en premier lieu des sculptures, et plus précisément celles des années 1950 (L'Homme qui marche, 1948, La forêt, 1950) . Il faut dire que leurs corps/silhouettes aux armatures de fer marquent la mémoire. Prise dans leur socle de plâtre ou de bronze, elles disent toute la recherche de l'équilibre, tant dans l'espace fait de vide que celui des vies qui se traînent et qui sont en perpétuel déséquilibre, en danger. Frêles, cabossées, écorchées et tendues à l'extrême, elles provoquent l'émotion presque à coup sûr.
Mais dans l'œuvre de Giacometti, comme il  le disait lui-même "le dessin est la base de tout". ce n'est qu'au début des années 50, alors que Giacometti est déjà connu du public et des autres artistes, qu'il révèle au grand jour ses dessins. Les traits recèlent une beauté pénétrante. Il ne faut pas s'y tromper. Certes, les traits courent, se chevauchent sur le papier, mais ne sont pas jetés au hasard, pour le simple plaisir de maculer la surface blanche. L'artiste trace ses repères anatomiques (la division de la tête en tiers, les ailes du nez pour placer les commissures des lèvres...) à même la toile avant de les recouvrir au fur et à mesure qu'il construit sa peinture. Tout passe par le dessin. giacometti_headSur les images qui défilent dans l'espace reconstitué de l'atelier, l'alternance du regard en mis en abîme. L'artiste regarde son modèle (qui est hors champ) puis sa toile. Le public détaille l'écran puis la toile exposée dans cette reproduction de l'atelier. Un jeu de comparaison s'installe. Effet assuré ! Voir naître une toile  et pouvoir la détailler achevé est jubilatoire. Chaque coup de pinceau, chaque retour sur un trait interpelle. Et quand Giacommeti n'utilise rien d'autre qu'un banal stylo bille pour réaliser ses œuvres, l'émotion est toujours là. Plus que la violence des traits, ce qui prime c'est leur puissance.
Giacometti demeure le maître du vide. Il le façonne. Le travaille. Le délimite. En fait apparaître les contours tout en conservant la force du néant, le déséquilibre entre le plein et le vide.


" Tout n'est qu'apparence."
" Tout tient à un fil, on est toujours en péril. "


Nota Bene : Une autre exposition se tient à la BNF. Alberto Giacometti, l'oeuvre gravée. Jusqu'au 13 janvier 2008. (Infos : clic

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21 novembre 2007

Quand le métro dort ...

Quelques pas. Les premières discussions embrumées du matin bousculent les deux immeubles qui jalonnent la rue. A quelques pas de là, des talons résonnent. Une course folle à pas cadencés débute. Doucement. Pour prendre le temps de surprendre Paris dans sa torpeur. La nuit et le jour sont encore unis et aucun ne veut céder sa place. Le temps n'a pas d'importance. Le tour est joué. Le point marqué. Couchée tard. Levée tôt. Avant même que ne chantonne le réveil. Pour filer plus vite encore dévorée Paris. L'œil aux aguets. La peau à fleur. Et Paris tient ses promesses.
De rues en boulevards. De quartiers en arrondissements. Si peu de bruit et tant de mélodies. Rares sont ceux qui ont passé la porte de leurs intimités. Ils se dessinent parfois à coup de silhouettes en contre jour sur des lumières tamisées. Les fenêtres s'éclairent peu à peu. De part et d'autre de l'échiquier parisien. Tout semble au ralenti. Même les monuments ont perdu leurs habits de lumière. la pénombre plane. La simplicité aussi. Le faste de Paris n'en est pas moins à son apogée.
Peu à peu les âmes s'ébrouent sur les pavés. Aux angles des rues apparaissent des hommes en costume. Des femmes en trench coat. La pluie guette. Puis tombe. Elle s'amuse à reluire le bitume. Et se moque des éclats des réverbères comme si prennent pour des étoiles. De plus en plus de phares apparaissent. De personnes aussi. A-t-on déjà vu autant de parisiens dans les rues à l'aube d'un mercredi de novembre ? peut-être pas. Mais quand le métro dort et que les agents de la Ratp somnolent au fond de leurs lits, les parisiens marchent. Et quand Paris s'éveillent et que les lampadaires cessent de diffuser leurs halos, les parisiens arrivent à bon port avec davantage de magie dans les yeux que celles des publicités dans les couloirs des métros bondés.

Si cela ne tenait qu'à moi, je supprimerais les quatre, cinq heures de sommeil qu'il reste pour épier Paris. Du crépuscule à l'aube. Pour suivre les parcours lumineux des monuments. Qui à 02h cessent de jouer les beautés parisiennes et sombrent dans l'anonymat de la pierre. Et jusqu'à ce que l'électricité se fasse la belle à quelques heures de là. J'observerai Paris respirer dans son sommeil.

3 novembre 2007

XI.

Il était bien caché. On ne le remarquait pas tout de suite. Elle attendait que le métro se met en route. Calmement. Sans se trahir. Sans s'exhiber. Une rame à l'arrêt. A un terminus. Destination terminus. D'un bout à l'autre. Il était bien dissimulé. Jusqu'à ce qu'il se manifeste. Qu'il l'interpelle. Et qu'elle lui répond. Alors le monde. Les bruits. Les regards ont disparu. Ils n'étaient plus que tous les deux. Doucement, elle l'a caressé. Puis a souri. Il s'est apaisé. Et elle a laissé son regard se porter sur l'alternance de quais et de tunnels. Plus loin, il a repris la parole. Elle lui a fait l'honneur de quelques caresses. De légers tapotements. De douces poussées. D'un côté. De l'autre. Une petite présence. Juste une petite bosse sur le pull de la future maman.

20 octobre 2007

X.

Une foule. Compacte mais mouvante. Des langues. Tant, que le latin s'en perd. Des couleurs. Beaucoup. Le regard n'accroche plus à rien. Ni aux matières. Ni aux mots. Ni aux éclats. Les femmes se ruent. Les hommes se traînent. Pris dans la marée et le devoir de suivre. Ils avancent. Pourchassent leurs biens-aimés. Les minettes dispersent leurs maigres salaires ou l'argent paternel aux quatre coins des caisses du chic. Le dernier cri. Dernier sortie. Les effusions de joie. L'objet tant convoité. Parfois si durement offert. Enfin. Plaisirs de fin de semaine bien mérité. Les sourires se lisent deci delà. Partout. Du monde. Et le temps s'enfuit. La course prend un rythme toujours plus rapide. Effréné. Le temps n'attend pas. Les Hommes ne s'arrêtent pas. Les couleurs et les odeurs. En une valse nauséeuse se mélangent. Les dames s'enlisent dans les portiques du métro. Trop de sacs siglés. Le mécanisme s'enraye. Les bras trop chargés. Elle restent bloquées entre deux moulins. A la surface, d'autres courent encore. D'un comptoir à l'autre. Et face aux plus grandes entrées des magasins des Grands Boulevards parisiens, d'autres s'installent. Etablissent leurs campements. Ne demandent rien. Ne parlent pas. Mais disent pourtant. Sacs plastiques percés. Anorak élimés. Chariots de supermarché et bidon recyclé pour quelques châtaignes chaudes dans le vent d'octobre. 2 euros le cornet. Les doigts noirs d'un chardon artificiel. Dans l'attente. Ou sur une chaise. Le regard dans le vide du bitume. Bercés par le va et vient incessants, s'endorment contre une barrière de sécurité. Ceux qui n'ont rien regardent ceux qui ont. Qui ont ce qu'ils peuvent. Ou ce qu'ils veulent. Ou trop, parfois. Les contrastes des grandes villes. Où les plus riches croisent les plus pauvres sur le même trottoir. La capitale. Le lieu des excès. Paris.

16 octobre 2007

IX.

Ils sont toujours. A toutes les stations. Dans toutes les rames. Ils se remarquent très vite. Et certains se manifestent largement. C'est toujours un peu la même rengaine. Elle lui tient la main. Ou agrippe son jean au niveau de son genou. Lui, parfois, passe son bras derrière sa nuque. Elle le tire vers elle. Elle enroule des baisers bruyants autour de son cou comme les perles d'un collier. Parfois, elle attrape sa main. Et s'esclaffe. Marque son territoire. Le lien. Elle pose ses doigts sur sa joue. L'incite à pivoter. Et le force à planter ses yeux dans les siens. Il se détourne quelques fois. Ou regarde par la vitre rayée quand elle a posé sa tête sur son épaule.
Mais eux, détonnent. Un peu. Il ne cesse de la tirer vers lui. Sa main enserre sans relâche sa hanche. Et il enfouit sa tête dans son cou. Elle. Elle ne semble pas aussi enclin que lui à la démonstration. Et à chacune de ses approches, elle renverse sa tête. Gênée ou lassée ou indifférente. Ou ... Il ne donne que très peu d'air à leurs corps. Et chacun de ses pas de côtés l'invitent à la rejoindre. Il l'a fait virveloter. Elle se prête au jeu de ce rock n' roll improvisé dans l'espace réduit de la rame. Elle ne rit pas. Se laisse faire, pantin. Elle ne proteste pas non plus. et il revient à la charge. Se contente seul. D'un baiser sans retour. Sans regard. Sans caresse. Inversion des clichés.

11 octobre 2007

VIII.

_ Papa ? C'est quoi ce mot ?
_ Lequel chérie ?
_ Mais celui-la, là.
_ Bonbon.

Et un petit garçon d'une quinzaine de mois rappelle le papa à l'ordre. Difficile de conjuger le biberon. La peluche. Le livre de la grande soeur. Son attaché case. Le sac de langes. Et les stations qui défilent sans crier gare.
La petite blonde ne demande rien. Assise sagement au fond du siège, elle tient sur ses genoux. Fermement. Un fin livre. Un magazine plutôt. Elle joue avec une mèche de cheveux. Une petite pince rose avec des paillettes la retient un peu plus haut sur son front. Elle joue avec ses pieds. Et alterne le mouvement de chacun. En cadence. Son doigt parcourt lentement les quelques lignes qui parsèment chaque page. Elle retourne soudain sa revue et du bout du doigt, désigne un mot barbare. "Clown" lui dit-il. Elle la voilà repartit dans son histoire. Le petit frère lui, gazouille. Et donne du fil à retordre à son père en gesticulant d'un plaisir dont lui seul connaît la saveur et l'origine.
Elle a du sentir que je la regardais. Elle m'observe. Du coin de l'oeil. Avec méfiance et curiosité. Et finit par répondre à mon sourire. Elle reprend sa lecture. De "Pomme d'Api", bien sûr. Comme ne l'aies-je pas reconnu plutôt. Son index bute sur un mot. Il avance et recule. S'immobilise. Et ses sourcils se froncent. Sa bouche accentue la prononciation muette des syllabes. Et elle me tend son livre. "Piscine". Un "Merci madame" accompagne son sourire. Et elle voyage de nouveau en tournant une nouvelle page.

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